Interview Exclusive du Président de l'URCA sur les questions de Modification de la Constitution du 30 Mars 2016 sur Rfi

URCA E Lingbi Ti Lekere

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Le 30 juin, RFI a reçu le ministre conseiller spécial du chef de l'État centrafricain, Fidèle Gouandjika. Lors de cette interview, le responsable a annoncé que le pouvoir envisageait un changement de Constitution par voie de référendum. Un changement que l'opposition centrafricaine conteste. L'ancien Premier ministre Anicet-Georges Dologuélé est l’invité de RFI. 


RFI: Les autorités centrafricaines envisagent d’organiser un référendum pour changer de Constitution et pour permettre au président Faustin-Archange Touadéra de briguer un troisième mandat en 2026. Comment accueillez-vous cette annonce ? 

Anicet-Georges Dologuélé : C’est tout nouveau. Jusqu’à présent, on parlait de modifier l’actuelle Constitution. Donc, le pouvoir avait confié ce dossier à un député pour que cela prenne le manteau d’une proposition de loi. Ça permettait au président de jouer à celui qui n’était pas au courant et à qui on offrait une possibilité. Mais je crois que cela a suscité un certain nombre de réactions dont les réactions des professionnels du droit, des leaders de l’opposition et des leaders de la société civile. Et ils se sont bien rendu compte que cette Constitution comportait des verrous importants et que l’Assemblée nationale, sous cette forme actuelle, ne pouvait pas la modifier, puisqu’il manque le Sénat pour que nous ayons le Parlement entier. Et je crois que là, monsieur [Fidèle] Gouandjika annonce que c’est une nouvelle Constitution par voie référendaire. Donc, je l’apprends presque en même temps que vous. 

Est-ce que justement le référendum, c’est selon vous la meilleure solution pour faire avancer un tel projet ? 

Mais, vous savez que depuis plusieurs années et sinon depuis plus de dix ans, la République centrafricaine n’a jamais réussi à financer un scrutin. Ça coûte cher un scrutin. Il était prévu que les élections municipales soient organisées en septembre 2022, donc dans deux mois. Cela a été repoussé sine die précisément à cause de problèmes budgétaires. Là, par un tour de passe-passe, j’apprends qu’il y aurait un référendum. Je ne sais pas d’où viendra l’argent. 

Donc, vous préféreriez que le projet soit soumis à l’Assemblée nationale ? 

Je préférerais qu’il n’y ait pas de projet du tout, parce que je ne sais pas pourquoi il y a ce projet. Le président a été déclaré élu deux fois de suite sur la base de l’actuelle Constitution. Dans le fonctionnement, au quotidien de l’État, cette Constitution n’a jamais posé problème. Les problèmes sont posés par la gouvernance précisément du président Touadéra et j’ai bien compris que c’était à la fois pour faire sauter les verrous par rapport au mandat, et pour m’éliminer moi puisqu’on dit maintenant que ceux qui ont la double nationalité ne pourront plus se présenter. 

Est-ce que tout de même une remise en ordre des institutions n’est pas une bonne chose pour un pays, notamment pour un pays qui a traversé une crise importante comme la Centrafrique ? 

Oui. Mais, ces institutions existent, ce n’est pas leur existence qui pose problème. C’est leur fonctionnement qui pose problème, ce sont les moyens pour les faire fonctionner. C’est la pression que le gouvernement met au quotidien pour étouffer les chefs des institutions. C’est le chantage que ces gens subissent, ce sont les menaces qu’ils subissent qui font qu’ils ne font pas leur travail. Ce n’est pas la Constitution. 

Puisque vous parlez du climat politique général en Centrafrique, on a vu sur les réseaux sociaux des groupes menacer qui s’opposaient à ce changement de Constitution. Est-ce que vous connaissez ces groupes ? Est-ce que vous prenez ces menaces au sérieux ? 

Aujourd’hui, le pouvoir de Faustin-Archange Touadéra est devenu violent à tous les niveaux. Les dirigeants des institutions, comme je vous disais, sont menacés, les leaders de partis politiques sont menacés, les leaders de la société civile sont menacés, les manifestations sont interdites… 

Vous-même, vous avez été menacé Anicet-Georges Dologuélé ? 

Oui. L’an dernier, j’avais eu le tort de contraindre Touadéra à un second tour. Dans un premier temps, il a fait du forcing pour se faire déclarer vainqueur au premier tour. Puis, il m’a empêché de sortir. Mes passeports ont été confisqués. Un procès a failli être inventé pour me mettre en prison. Donc, je ne suis pas le seul, nous subissons ça en permanence maintenant. 

Tout de même, le ministre Fidèle Gouandjika a été très clair dans l’interview qu’il a accordée à RFI sur le fait que jamais le président de la République ou un groupe proche du pouvoir ne menacerait une personne sur ce projet de modification de la Constitution ? 

Nous sommes menacés au quotidien par des groupuscules qui tournent autour du président. Et tous les Centrafricains savent que ceux-là reçoivent leurs ordres directement d’en haut. Mais ce sont des menaces d’une violence rare. Depuis que je fais de la politique, je n’avais jamais connu ça. Aujourd’hui, on apprend aux jeunes à tenir un langage de violence. C’est une évolution très inquiétante pour la démocratie dans mon pays. 

Dans un tel climat, est-ce que vous êtes prêt à rentrer à Bangui ? 

Je suis leader politique, je fais de la politique sans violence. Je n’agresse personne. Donc, je ne vois pas pourquoi je ne rentrerais pas chez moi. 

Est-ce que le climat vous semble propice à un débat de fond sur ce changement de Constitution ? 

Nous sommes obligés, en tant que leaders politiques, de veiller à ce que ça n’ait pas lieu. Nous sommes obligés de faire en sorte que le chef d’État et son gouvernement s’occupent enfin de la gestion du pays. 

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